TWO WOLF: Two Wolf (2025)

Titres:
1. Keep On Movin’
2. Hard To Handle
3. Will I Believe
4. Traveler
5. The Wrong Road
6. Diary Of A Working Man
7. Livin’ For Tomorrow
8. Great Spirit
9. Fox Chase
10. Romeo
11. The Blessed And The Cursed
Musiciens:
Greg T. Walker (basse, chœurs)
Lance Lopez (guitare, chant)
Kris Bell (guitare, chant)
Rusty Valentine (batterie)
Démarrage discographique réussi pour cette nouvelle équipe rassemblée par Greg Walker sous son panonceau Two Wolf, avec un album à la fois très énergique, bien métallique, mais qui ne renie en rien les racines du groupe, comme le prouvent les trois reprises fort bien revisitées de Blackfoot.
Pour ceux qui l’ignoreraient, Two Wolf est le nom du projet monté en 2015 par Greg T. Walker, bassiste et longtemps membre incontournable de Blackfoot, mais qui juste avant la formation de ce groupe emblématique du « hard rock » sudiste était brièvement passé au tout début des 70’s, en compagnie de son compère Rickey Medlocke, par la case Lynyrd Skynyrd dont ils ont formé un temps, si on peut dire, la rythmique, alors très indienne. Greg imprime d’ailleurs la marque de son jeu de basse sur plus de la moitié des titres de l’album posthume du groupe de Ronnie Skynyrd's First and... Last.
On le retrouve aussi à… Paris en 2014 pour un EP enregistré avec le trio français Lloyd Project, avant la formation donc de Two Wolf, qui a mis une dizaine d’années à décoller vraiment. La version actuelle du groupe comprend un autre membre très connu du petit monde de la musique en la personne du guitariste Lance Lopez, qui comme son alter ego Kris Bell a surtout mené une carrière solo avant de venir soutenir le projet de notre bassiste. Celui-ci fait équipe en rythmique avec le talentueux Rusty Valentine. Nous n’avons pas ici un groupe d’amateurs ! Un quatuor de rock puissant avec des racines sudistes et blues, formé par Greg : comment ne pas voir une sorte de parallèle avec Blackfoot, dont en plus le groupe reprend ici trois titres très connus des afficionados du combo aux racines triplement indiennes ?
Alors réglons tout de suite la question de ces trois titres issus d’enregistrements du début des années 80. Tout d’abord “Hard To Handle” (ne vous faites pas avoir : il s’agit bien du “Too Hard To Handle” de l’album Marauder !) démarre en trombe avec une grosse intro, pour une reprise hargneuse, très puissante, pleine de fougue, avec un traitement un peu à la Guns & Roses, ça bastonne grave ! La voix plus gutturale et la production, avec ce gros son très moderne, l’ancrent plus dans le domaine métallique. Le solo de trompette de Dave Cavender a disparu, mais son esprit est repris à la guitare. Les soli restent mélodiques malgré le tourbillon. Le titre ravira les tenants du gros rock métallique qui pulse. Toujours issu de l’album Marauder, le célébrissime “Diary Of A Working Man” respecte en gros les caractéristiques du titre, avec son intro acoustique, une partie électrique relativement peu aggressive, et un démarrage brutal vers un passage plus dur et plus fougueux à partir des soli de guitare pour revenir sur une coda acoustique comme l’intro. Les claviers de la version originale sont absents de la production plus moderne et plus métallique qui, comme pour “Hard To Handle”, contribue à fournir à cette version un caractère plus brutal, y compris dans le plus calme en principe des passages électriques. Les vocaux expressifs, la partie électrique très solide avec gros son lourd, massif, avant le retour à l’acoustique ajoutent à la personnalité de cette très belle reprise. “Fox Chase”, lui, est tiré de Tomcattin’, sorti un an plus tôt que Marauder. Bien entendu, pas question cette fois d’intro de Shorty Medlocke avec son harmonica : ça démarre direct sur un son de guitare plutôt agressif, enchaîné par une voix passée au papier de verre. Interprétation nerveuse, énergique, aux soli tranchants, avec des passages de question-réponse de haut niveau entre les guitares. La fin, contrairement à l’original, se termine net, au couperet. Sans bavure ! Le pari était un peu risqué, mais le rafraîchissement, malgré tout respectueux, de ces titres âgés de plus de 40 ans leur donne une nouvelle jeunesse, un nouvel intérêt, et prouve qu’un bon morceau, s’il n’est pas massacré, reste un bon morceau malgré les années. Le dépoussiérage a fonctionné : bravo !
Et les huit autres titres alors ?
On voit que le temps est passé : au moins deux titres ne peuvent cacher leur influence “stoner” : “ Will I Believe” présente un côté “stoner sudiste”, drôle de mélange mais qui fonctionne, avec un chant et un son global rempli de graves, une rythmique très lourde typique stoner, soutenant quand même des accents mélodiques sudistes. C’est à écouter, vous vous ferez votre idée, mais cela me semble intéressant. “Romeo” nous fait entendre des guitares intriguantes, en propageant un feeling rampant avec des intonations stoner, le chant heurté paraîtra parfait pour les headbangers. On a droit à un solo à la wah-wah comprenant de belles envolées, suivi d’un duel, un des nombreux de l’album, où les gratteux s’en donnent à cœur joie pour clore le titre en beauté.
Certains morceaux sont plus classiques de facture, ce qui ne les empêche nullement de bien accrocher les oreilles : “Keep On Movin’” est un titre punchy, au gros son, bien graisseux, rempli de breaks. Des soli successifs de guitare arrivent rapidement, permettant de saisir la différence de style entre les deux gratteux. Une nouvelle partie chantée débouche sur un relais de guitares confirmant la complémentarité stylistique de haut niveau de ces messieurs. “Great Spirit” présente un riff accrocheur sur lequel vient se greffer habilement une guitare plus lyrique qu’on retrouve comme fil rouge tout au long du morceau, ça pousse ! Le refrain entraînant, avec des chœurs, reste bien dans l’esprit, et le solo de guitare surgit en cavalcade débridée sur une rythmique saccadée.
Et puis certains titres confirment l’originalité et la complexité de la personnalité de ce groupe : “Traveler” se permet de poser un chant très mélodique sur une rythmique complexe qui permet à Rusty Valentine de s’éclater. Redoutable ! D’autant que le solo est à l’avenant... “The Wrong Road” s’appuie sur une structure bouillonnante pour les couplets mais qui s’éclaircit de façon très mélodique pour le refrain, le premier solo à la wah-wah est relayé par une guitare ciselée avant un break presque éthéré, sur une rythmique syncopée presque funky, ambiance spatiale débouchant sur une envolée héroïque avant de revenir sur ce magnifique refrain-hymne qui sera certainement braillé avec enthousiasme en concert par les fans, et un nouveau passage couplet-refrain pour se terminer sur une coda bien ficelée. Ben, mon neveu, y’a du boulot et des idées ! Et à l’écoute elles font mouche ! Sur “Livin’ For Tomorrow”, Greg s’embarque dans une intro à la basse en accords, avant l’arrivée d’une guitare jouant un riff tourbillonnant soutenu par une double grosse caisse, puis une voix râpeuse se pose sur des accords plaqués avant un refrain puissant soutenu par des choeurs virils. Le petit passage hors tempo introduit un solo de wah-wah suivi d’un solo très travaillé : que voilà un très bon titre où on ne s’ennuie pas ! Tout comme pour “The Blessed And The Cursed”, qui conclut l’album de façon brillante : après une intro acoustique rapidement coupée par un riff lourd, déboule un morceau très puissant ponctué de soli impressionnants. Quelle paire de gratteux !
On ne va pas se le cacher : c’est du lourd, parfois du très lourd, mais c’est bien foutu, bien interprété, avec des idées, bien produit avec un son étonnant, bref, pour les amateurs du genre, c’est de l’excellente came ! Les sudistes plus “classiques” auront un peu plus de mal à y retrouver leurs billes, mais si la scène vaut le studio, croyez-moi, ce groupe-là en concert, jouant les titres de l’album, ça devrait dépoter !
On peut vraiment mettre le coup de tampon : “réussite” !
Y. Philippot-Degand